L’Enfer n’est qu’intérieur
Il avait creusé une sorte de cavité au sommet du crâne.
A l’aide d’une échelle de corde il s’aventura dans ce gouffre.
L’odeur était acre, la lumière faible.
Il traversa des zones luminescentes, peuplées de souvenirs joyeux, de nostalgies émues. Des brillances d’yeux lui rappelèrent des visages qu’il aima, des senteurs d’épices enivrantes lui évoquèrent ces nuits de plaisirs intenses dans des bras chauds.
Puis l’obscurité se fit plus épaisse, la froideur s’insinua dans ses pores, les odeurs devinrent suffocantes et curieusement chaudes dans cette atmosphère glaciale.
Ses turpitudes passées surgirent sans crier gare, ses pales mensonges, ses forfanteries cruelles, ses lâchetés, ses compromissions, tout cela se mis a suinter des parois, à dégouliner de partout, à jaillir en geysers visqueux qui l’éclaboussèrent d’abord désagréablement, puis, tous ces liquides poisseux, se mirent à lui coller à la peau, à se solidifier jusqu’à entraver ses gestes.
Alors il fut pris de panique, son cœur se mit à battre plus fort et son âme fut envahie de remords devant l’horreur de la scène qu’il suscitait par ses propres pensées.
Il était naïvement descendu trop loin, dans son enfer intérieur qui, à présent, le submergeait, lui coupait le souffle, le menaçait d’étouffement définitif.
Alors il saisit un long poignard qui ne le quittait jamais et l’enfonça dans la paroi poisseuse qui l’enserrait à présent de toute part. Dans une intense panique ses forces se décuplèrent et il frappa, frappa, frappa encore, mu par une frénésie haineuse contre lui-même.
Plus tard on retrouva son corps déchiqueté.
L’enquête conclue à un acte de folie meurtrière.
L’officiant religieux qui l’enterra eut ces paroles : « Qu’il soit délivré et que son âme aille en paix au royaume des morts».
Ses rares proches, héritiers de sa fortune, allèrent s’enivrer et se foutre de sa gueule dans de longues ripailles orgiaques et nocturnes.