lundi

Dans la série des jeux pour enfants : "1,2,3 soleil"
et que personne ne soit dans la lune ...

vendredi

dessin composite de Folon


Il y a longtemps que je vis comme cela à son crochet.
Ce n'est point sans interrogation mais c'est ainsi.
Il n'est pas envisageable que je change.
La question ne se pose même pas.

J'étais en chute libre lorsque c'est arrivé.
J'étais tombé de haut en apprenant la nouvelle.
Je me disais que la chute serait longue.
Il n'y avait autour de moi que des bulles d'individualisme,
des ronds d'indifférence.


Et puis il est arrivé,
juste à point,
à point d'exclamation,
étonné que je tombe ainsi.


Je me suis accroché à lui
comme un noyé de l'espace
espère un grain favorable de vent solaire


Alors il me questionna
sur moi
sur les raisons de ma déchéance
il se fit interrogation
parachute salutaire
je l'ai serré très fort.


Il y a longtemps que je vis comme cela à son crochet.
Ce n'est point sans interrogation mais c'est ainsi.
Il n'est pas envisageable que je change.
La question ne se pose même pas.

jeudi

Le facteur ne passera pas

Ecrivez un texte sur le thème de l'absence et du manque. Il doit comprendre au moins une allusion à l'absence d'un facteur, et d'une lettre très attendue en particulier.

C'était quand déjà ?

Il s'était juré de ne pas oublier. Mais voilà, les jours, les mois, les années passent. Vite. Pourtant, il demeurait encore chaque jour longtemps à la fenêtre. Debout, à regarder au loin. Il avait vu grandir les arbres, pousser de nouvelles branches, se former de nouvelles feuilles. Il s'était mis à les aimer, jusqu'au jour où des bûcherons avaient tronçonné. Il avait alors serré les poings, grincé des mâchoires et plissé les yeux d'un regard haineux. La croissance des arbres représentait pour lui une espérance qu'ils venaient d'abattre.

Ils n'étaient encore que de jeunes arbustes lorsqu'elle remontait l'allée en accélérant l'allure à mesure qu'elle approchait de sa maison. Il percevait alors son désir, sa soif de sa bouche, la fièvre de son corps, l'impatience de ses mains sur elle, son avidité à le recevoir, à serrer les cuisses pour ressentir la pénétration profonde de son sexe durci. Parfois tout se passait debout dans le couloir à peine avait-il ouvert la porte. Parfois elle l'obligeait à monter au grenier, enlevant un à un ses vêtements qu'elle laissait tomber sur les marches en riant. Elle disait vouloir entendre grincer les lames du plancher sous ses coups de boutoir.

Ils parlaient peu. Juste quelques mots forts. Des mots presque obscènes. Parfois elle hurlait : « Baise ! baise ! baise ! Enfile-moi ! », secouée de spasmes intenses. Un jour il lui cria : « salope ! », elle le gifla, mais la jouissance fut alors si intense qu'ils en furent tous les deux excessivement troublés.

C'était fini tout cela. Ce jour-là il avait attendu à la fenêtre, puis le suivant, puis le troisième, puis le mois, puis les années. Les arbres de l'allée grandissaient, se fortifiaient. Il espérait encore. Elle n'avait pas dit qu'elle ne reviendrait pas. Elle n'avait rien dit, rien laisser paraître. Il aurait pu la chercher dans la ville, mais il n'avait pas le courage d'affronter le renouvellement des découragements, lorsque l'on croit reconnaître l'autre mais qu'une fois de plus ce n'est pas elle.

Et puis, il y avait eu cette lettre que le facteur apporta, qu'il faillit ne pas voir au milieu des publicités et des offres multiples. Une enveloppe rouge, tapée à la machine (pourquoi n'avait-elle pas écrit de sa main). À l'intérieur un papier vert, criard-fluo, bien trop lumineux et juste ces mots, en très gros, occupant toute la feuille : « merci de tout ! Attends celle qui t'en supplie. ». C'était une écriture enfantine, malhabile et cependant fermement appuyée. Pour la première fois il la lisait. En un instant il réalisa qu'il ne connaissait rien d'elle, qu'il ne connaissait que son corps, ses formes, ses odeurs, ses jouissances débordantes, ses rires de petite fille mêlés à ses râles de femme libertine.

Il se reprit à espérer l'impossible retrouvaille. Les arbres étaient maintenant à maturité. Lui aussi. Mais il gardait cette espérance enfantine dans son coeur d'adulte. Durant toutes ces années il ne s'était approché d'aucun autre corps. Le souvenir lui suffisait. Certaines nuits il était comblé de rêves érotiques qui le réveillaient en sueur. Alors il se masturbait frénétiquement.

Et puis, des bûcherons arrivèrent. Les arbres furent abattus. Il apprit qu'un champignon les dévastaient. Il ne resta plus que les souches. Alors il entra en désespérance. On retrouva son corps dans le grenier. Desséché. C'est le facteur qui avait prévenu les autorités, à force de voir du courrier déborder de la boîte aux lettres.