jeudi

Visage de mère.

Enfant je repeignais les murs. Le pinceau trop chargé je faisais des coulures. je les laissais descendre lentement, alors qu'il aurait fallu les interrompre. Comme fasciné, je demeurais dans l'immobilisme.

Il me fallait observer jusqu'où elles iraient. L'épaisse goutte s'amenuisait peu à peu, sans toutefois disparaître totalement. Le coulure était nette, parfaitement verticale, sorte de fil à plomb inutile. Puis je pensais à ma mère qui n'allait pas apprécier. Une fois de plus elle élèverait la voix, ferait montre d'énervement. Ce n'est pas pour autant que j'intervenais. Pourtant le geste eut été simple : un petit coup de pinceau à l'horizontale et s'en était fini d'elle. Plus de coulure.

Mais je restais en suspens, quasiment fasciné par la descente du filet de peinture, la même descente qui me mènerait aux enfers des courroux maternels.

- « je t'ai montré comment faire ! Tu le fais exprès ou quoi ! espèce de sale gosse ! »

Elle n'avait pas tort, je le faisais exprès.
La nécessité de braver, sans doute. Le besoin d'une relation perverse, peut-être.

Le coup de pinceau pour interrompre l'inexorable déchéance de la coulure, c'est à travers sa défigure de mère que j'aurais aimé le donner.
J'aurais dû le faire peut-être !
À moins que dans un ultime effort filial, je peigne sur sa figure un visage de maman.

Au moins cela m'aurait donné une raison de l'aimer...